Nadia joue tranquillement dans sa chambre quand, soudain, Maman s’écrie :
- Nadia ! Qu’est-ce que c’est que ces cochonneries ?
La fillette la rejoint aussitôt. Maman lui indique les traces sur le beau carrelage blanc et lui demande :
- Qu’est-ce que c’est ?
- Je… Je ne sais pas.
- Comment « je ne sais pas » ? Mais tu étais seule dans la maison. Qui donc peut avoir fait ces cochonneries sinon toi ?
Nadia était effectivement seule dans la maison mais elle est aussi certaine de ne pas avoir sali le carrelage.
- Quand on commet une bêtise, gronde Maman, on le reconnaît et on répare. Allez hop ! Nettoie-moi ça tout de suite !
Cinq minutes plus tard, avec le balai et la serpillière, Nadia nettoie. Elle bougonne :
- Si j’attrape celui qui a fait ces cochonneries, ça va barder !
Et, tout en nettoyant, elle suit les traces. Celles-ci proviennent du garage et traversent l’entrée et la salle de séjour pour rejoindre la terrasse. Ce sont des traces de boue vraiment bizarres. Nadia tente de deviner qui a pu les faire.
Ce n’est pas son frère ou sa sœur, elle est fille unique.
Ce n’est pas sa grand-mère ou son grand-père. Ils vivent à l’autre bout de la Terre.
Ce n’est pas un lion. Il n’y en a pas dans le pays.
Elle arrive ainsi sur la terrasse qui, elle aussi, est pavée de blanc. Les traces mènent jusqu’au fauteuil de jardin qu’elles contournent. Nadia les suit et là, elle découvre :
Un cochon ! Un cochon en tenue de cycliste, avec un casque de cycliste, des gants de cycliste mais pas de chaussures. Il est assis et, les pattes arrières pleines de gadoue, il se cure tranquillement les sabots des pattes avant.
- C’est toi qui as fait ces cochonneries ? demande Nadia.
- Hmmm ? fait le cochon sans même lever la tête.
- Dis-donc ! Tu pourrais répondre quand je te parle.
Et Nadia repose sa question. Le cochon la regarde enfin et ronchonne :
- Je ne l’ai pas fait exprès. J’ai fait une balade en V.T.T. Je suis passé partout, même dans la gadoue, et mes pattes sont sales. Normal !
- Quand on commet une bêtise, on la répare ! J’ai nettoyé à ta place. Ne recommence pas ! Demain, tu te laveras les pattes au retour de ta balade en V.T.T. Cochonnerie de cochonnerie, ce sera mieux comme ça !
- C’est promis, dit le cochon, je ferai comme tu dis !
Et Nadia repart jouer.

Le lendemain, Nadia se trouve encore dans sa chambre lorsque Papa crie :
- Nadia ! Qu’est-ce que c’est que ces cochonneries ?
Les traces sont un peu différentes de celles de la veille. Nadia explique tout de même :
- C’est le cochon qui se balade en V.T.T.
- Un cochon qui se balade en V.T.T. ? Tu te moques de moi ! Quand on commet une bêtise, on le reconnaît et on répare.
Nadia veut montrer le cochon à Papa mais celui-ci refuse d’aller voir derrière le fauteuil de jardin. Nadia doit à nouveau nettoyer.
Avant, elle va retrouver le cochon tranquillement installé derrière le fauteuil de jardin. Il se lave les pattes arrières dans une cuvette d’eau. A côté de cette cuvette, il y a une paire de chaussures de cycliste pleines de gadoue.
- Qu’est-ce que tu fais ? demande-t-elle.
Le cochon lève la tête et lui sourit. Il explique :
- Tu vois, je me lave les pattes ! Et puis, aujourd’hui, j’ai mis des chaussures pour faire du V.T.T. Je suis encore passé partout, même dans la gadoue, mais, comme ça, mes pattes étaient moins sales.
- Ce sont tes chaussures qui ont tout sali ! Ce n’est pas la peine de nettoyer tes pattes si elles sont propres.
Le cochon lève les yeux au ciel puis il grogne :
- Il faudrait savoir ce que tu veux !
Nadia garde son calme tant bien que mal et explique au cochon :
- Demain, quand tu reviendras de ta balade en V.T.T. , il faudra retirer tes chaussures avant d’entrer. Cochonnerie de cochonnerie, ce sera bien mieux comme ça !
Nadia tend alors au cochon le balai et la serpillière. Elle lui ordonne :
- File nettoyer tes cochonneries !
- Ton papa ne veut pas me voir. Je ne peux pas mais, c’est promis, je ferai comme tu dis la prochaine fois.

Le lendemain, un peu avant que Maman et Papa ne rentrent, Nadia se cache derrière le canapé de la salle de séjour et guette le retour du cochon.
Bientôt, elle entend s’ouvrir la porte du garage qui donne dans l’entrée. Le cochon apparaît. Nadia sourit. Il avance sur le carrelage, sans chaussures, les pattes bien propres. Mais, quand il passe à sa hauteur, Nadia bondit : le cochon traîne ses chaussures pleines de gadoue derrière lui et laisse des traces partout !
Elle jaillit de derrière le canapé et rouspète :
- Tu fais toujours des cochonneries et je vais encore me faire gronder !
- Pourtant, remarque le cochon, j’ai retiré mes chaussures pleines de gadoue avant d’entrer.
- Oui, mais il ne faut pas les traîner derrière toi !
Le cochon lève les yeux au ciel et grommelle :
- Il faudrait vraiment savoir ce que tu veux !
Puis il soulève ses chaussures et retourne s’installer derrière le fauteuil de jardin. Dès qu’il a posé ses chaussures, Nadia lui ordonne en lui tendant le balai et la serpillière :
- File nettoyer tes cochonneries !
- Je n’ai pas envie !
Nadia fronce les yeux et gronde :
- Moi non plus ! Et ce n’est pas à moi de réparer tes bêtises. Je l’ai déjà fait deux fois. Ça suffit !
Nadia ne rigole vraiment pas. Le cochon lève à nouveau les yeux au ciel mais il prend le balai et la serpillière.
Quand Maman et Papa rentrent, tout est parfaitement propre. Ils félicitent Nadia.

Depuis, lorsqu’il revient de sa balade en V.T.T. où il est passé partout, même dans la gadoue, le cochon fait très attention de ne pas laisser de traces. Quand, par malheur, ça lui arrive, il prend le balai et la serpillière et, avant que Maman et Papa ne rentrent, il nettoie tout.
Cochonnerie de cochonnerie, c’est vraiment mieux comme ça !

Philippe Barbeau

© Philippe Barbeau 2009