Ce jour-là, je faisais un chouette dessin qui me plaisait beaucoup. Je ne savais pas encore à qui je loffrirais mais, en tout cas, je le donnerais à quelquun que jaimais.
Je mapprêtais à tremper mon pinceau dans le pot de bleu quand, déséquilibré, je tombai dedans. Je navais pas pied mais, heureusement, je savais nager et, même si la peinture était plus épaisse que de leau, je fis mes mouvements sans problème.
Je parvenais juste à la surface lorsque, tout à coup, un monstre surgit à côté de moi, une sorte de croisement entre un cachalot indigo, un requin bleu et un dragon outremer. Il me regarda une fraction de seconde dun il gourmand et je me dis quil valait mieux décamper. Seulement, jétais encore loin du bord du pot de peinture. Je décidai donc de faire front.
Le monstre était malin mais pas assez pour mavoir. Je lattrapai par la queue, lui fis faire trois tours au-dessus de ma tête avant de le laisser retomber dans un grand « plafff ». Une énorme bulle naquit alors à la surface de la peinture et je me retrouvai prisonnier dedans.
La bulle séleva peu à peu dans les airs. Jétais maintenant à une hauteur respectable. Tout était bleu en bas et autour de moi, même loiseau qui se rapprochait.
- Eh ! lui ordonnai-je. Passe plus l
Mais je neus pas le temps den dire davantage. Il venait de crever la bulle avec son bec.
Je tombai en chute libre et atterris dans une poubelle. Maintenant, je ne voyais plus la vie en bleu mais tout était marron sale. Et puis lodeur, bonjour ! A donner mal au cur à un putois.
Je sortis vite fait de la poubelle et mapprêtais à entrer dans la maison quand jentendis crier au secours. Cétait une jolie princesse qui galopait dans la rue. Je courus évidemment tout de suite derrière elle mais plus je courais, plus elle courait. On fit comme ça trois fois le tour du pâté de maisons et, finalement, je me rendis compte que, si elle se sauvait, cétait parce quelle avait peur de moi.
Je marrêtai donc et soufflai un peu.
Je vis alors un canon sortir de la fenêtre près de laquelle je me trouvais. Le canon pointa vers moi et, dun seul coup, bam ! il me bombarda de savonnettes. Jesquivai les projectiles comme je pus et me réfugiai dans le jardin dune autre maison.
Je navais même pas encore repris une respiration normale quun chien en tissu éponge se mit à me poursuivre. La bête avait vraiment lair féroce et je nen menais pas large quand un arbre couvert de pommes de douche me tendit ses branches qui étaient par chance moins glissantes quun mât de cocagne.
Le chien aboyait toujours au pied de larbre où jétais maintenant réfugié. Pour passer le temps, je cueillis une pomme de douche et la mordis à belles dents. Elle avait un goût de dentifrice à la pomme qui nétait pas complètement désagréable.
Soudain, quelquun siffla lair de « il pleut bergère » et le chien sen alla en frétillant de la queue.
Je descendais tout juste quand je vis un gros nuage venir dans ma direction. Il sarrêta juste au-dessus de moi et je me réveillai en sursaut.
- Ben quoi, me dit mon frère qui venait de masperger, on sendort dans son bain ?
Philippe Barbeau
© Philippe Barbeau 2009