Une classe de l'école élémentaire de Ploeuc (22) a représenté "Le type" en kamishibaï.
Voici quatre photos, le texte et une petite part de l'émotion que ces élèves m'ont offerte.
L'enfant
Pages arrachées au journal intime d'un enfant de 9 ans.
Lundi.
A 8h45, j'étais sur le chemin de l'école. Je planais en plein bonheur, la joie au bout de mes orteils, jusqu'à la dernière pointe de mes cheveux. J'étais vraiment joyeux. Soudain, j'ai aperçu un enfant à côté d'un arbre. Je l'ai regardé longtemps et je ne l'ai pas trouvé bien. J'ai deviné ce qui n'allait pas chez lui : il ne savait pas rigoler.
Moi, rien ne m'agace plus que quelqu'un qui ne sait pas rigoler, alors, je lui ai dit une insulte, oh ! pas plus grosse que " zut! ". Il l'a prise dans le coeur. Je suis allé le voir. Ça fait de la peine ! M'a dit l'enfant en grognant. Tu n'avais qu'à rigoler! Rigoler ? Je ne sais pas ce que c'est.
Ah ! Il m'a encore plus cassé les pieds. J'ai failli lui coller mon doigt dans l'oeil. Et puis, je me suis dit que ça allait aggraver la situation. Alors, j'ai croisé les bras et j'ai repris mon chemin.
Mardi.
A midi, j'étais à la cantine. Je planais en plein bonheur, la joie au bout de mes orteils, j'étais bien. Soudain, j'ai remarqué l'enfant, seul, assis à une table. Le même que lundi. Encore moins bien. Je l'ai regardé, et tout de suite, j'ai deviné ce qui clochait chez lui : il ne savait pas savourer.
Moi, rien ne m'agace plus qu'un enfant qui ne sait pas savourer, alors, je lui ai pincé la main, oh ! pas plus fort qu'un pince-oreilles.
Il avait la marque des ongles sur la main. Ça fait très mal ! a dit l'enfant en pleurant comme la pluie. Eh ! Tu n'avais qu'à savourer ! Lui ai-je fait remarquer. Savourer ? Je ne sais pas ce que c'est.
Zut ! Il m'a tout de suite énervé ! J'ai failli le griffer. Et puis je me suis dit que ça allait causer des ennuis. Alors, j'ai pris mon plateau et je me suis installé à une table.
Jeudi.
Cet après-midi, je jouais à " chat coupé " dans la cour. Je planais en plein bonheur... enfin, pas vraiment. Tout à coup, j'ai aperçu l'enfant assis sous le préau. Le même que lundi et mardi. Il était encore plus étrange qu'en début de semaine. Je l'ai observé trente secondes et j'ai tout de suite remarqué ce qui déraillait chez lui : il ne savait pas jouer.
Moi, rien ne me fâche plus qu'un enfant qui ne sait pas jouer. Alors je lui ai donné un coup de pied, oh ! Pas plus fort qu'un coup de sabot de chèvre. Il l'a reçu dans le tibia. Aïe ! Ça fait mal ! M'a dit l'enfant en pleurant comme un robinet. Eh ! Tu n'avais qu'à jouer ! Lui ai-je dit. Jouer ? Je ne sais pas ce que c'est !
Oh ! J'ai failli le mordre. Et puis je me suis dit que ça allait empirer les choses. Alors j'ai mis les mains dans mes manches et je suis retourné jouer au chat.
Vendredi
Ce soir, en sortant de l'école, je me sentais mal. Des éclairs frôlaient mon visage. Je me sentais vraiment mal. Puis, tout à coup, je me suis retrouvé face à face avec l'enfant, le même que les jours précédents. J'ai tout de suite trouvé ce qui n'allait pas : il ne savait ni rigoler, ni savourer, ni jouer.
Mais qu'est-ce qui se passait chez lui ? Je me suis emporté, et j'ai voulu lui donner un coup de poing, oh ! Pas plus fort qu'un coup de corne de taureau !
L'enfant n'en pouvait plus de se ramasser des coups et des insultes, alors il s'est décalé. Une jeune femme est passée et mon poing a atterri dans son sac à main.
Je me suis avancé. Elle s'est tournée vers moi et m'a dit : Merci pour mon sac ! Ce n'est pas malin de donner des coups ! C'était la première fois qu'on me disait ça. Je lui ai demandé, surpris : Toi qui es si maligne, tu sais rigoler ? Oui ! Et elle m'a emporté dans un extraordinaire éclat de rire. Je n'en avais jamais entendu d'aussi agréable. Je lui ai demandé, surpris : Toi qui sais tout, sais-tu savourer? Oui ! M'a répondu la jeune femme. Et elle m'a emmené dans le pays des goûts. Je n'en avais jamais savouré d'aussi beaux. Et je lui ai demandé, surpris: Toi qui es si intelligente, sais-tu jouer ? Oui ! Puis elle m'a emmené dans un parc où nous avons joué à des jeux que je ne connaissais pas. Je les ai vraiment appréciés. Puis j'ai regardé la jeune femme et je lui ai demandé : Toi qui es si futée, où as-tu appris tout ça ? Viens avec moi, je vais te montrer. Puis on s'est assis sur un banc et elle m'a raconté une très belle histoire, plus jolie qu'un arc en ciel de crocus. Je l'ai beaucoup aimé, j'ai ressenti tout ce qu'elle savait faire.
Dès demain, j'essaierai d'être plus doux avec les autres enfants, même s'ils ne savent pas faire ce que je sais faire. Je leur apprendrai à jouer, à rigoler, à savourer...